Les lamentations du prophète Jérémie pleurent dans l’Ancien Testament la destruction du Temple de Jérusalem, six siècles avant Jésus-Christ. Quand dix siècles plus tard elles sont reprises dans la tradition chrétienne, elles prennent place dans l’office de la Semaine Sainte. Les “offices de ténèbres”, qui les mettent en musique, ont particulièrement marqué la vie religieuse tout au long du 17e siècle. Le rite impressionnait d’abord par l’obscurité progressive qui en venait à le conclure, au fil de l’extinction des cierges. De leur côté, laissant progressivement de côté l’austère plain-chant, les compositeurs ont imaginé de sublimes polyphonies, qui suscitaient une forme d’envoûtement, d’abord lié à la structure du texte et à sa charge émotionnelle, puis au fait qu’il soit ponctué de lettres hébraïques, énoncées en longues vocalises. Marc-Antoine Charpentier est le compositeur de cette époque qui a fourni le plus de leçons de ténèbres. Son style y varie clairement selon les contextes mais la musique y est toujours d’une profondeur et d’une ferveur inouïes. Accueillir Sébastien Daucé et son ensemble à Genève est un plaisir et une évidence. Comme beaucoup, nous admirons l’intelligence, l’intransigeance artistique et la grande qualité des productions de Correspondances. Pouvoir en faire profiter le public genevois nous ravit particulièrement!